Bien que certaines municipalités adoptent une politique de tolérance zéro face aux violences intra-familiales, d’autres, hélas, semblent ignorer ou minimiser ce fléau. Les violences intra-familiales, un sujet tabou pour certains ?
Tandis que certains élus se montrent très actifs sur Twitter, Facebook et autres réseaux sociaux, ils restent curieusement silencieux sur cette problématique. Pire encore, certains protègent leurs agents impliqués dans de telles affaires. Un fonctionnaire territorial n’a-t-il pourtant pas un devoir d’exemplarité ?
Malgré une prise de parole de plus en plus forte dans les médias, le constat reste alarmant : chaque jour, de nombreuses femmes subissent des violences conjugales. Les enfants, eux aussi, en sont tragiquement victimes, souvent aux mains d’un membre de leur propre famille.
Et pourtant, dans certaines municipalités, ces actes ne semblent avoir ni incidence ni conséquence pour les agents concernés. Ainsi, malgré des condamnations en justice, certains fonctionnaires continuent d’exercer leurs fonctions sans encombre, comme si de rien n’était.
Autre Actu sur le sujet : Mandelieu-la-Napoule : surnommé « Musclor », un agent municipal en garde à vue pour homicide par conjoint
Le devoir d’exemplarité des municipalités face aux violences faites aux femmes
Dans un contexte où la parole des victimes se libère et où les violences intra-familiales restent un fléau majeur, les municipalités, en tant qu’acteurs de proximité, ont un rôle crucial à jouer. Elles ne peuvent se contenter d’être de simples spectatrices : leur responsabilité est engagée, tant dans la prévention que dans la prise en charge des victimes et la sanction des agresseurs. Certaines collectivités ont fait le choix d’une politique de tolérance zéro, excluant de leurs effectifs les agents condamnés pour violences conjugales ou intra-familiales. D’autres, en revanche, adoptent une posture plus laxiste, fermant les yeux sur les comportements inacceptables de certains fonctionnaires.
Une question fondamentale se pose alors : les agents territoriaux n’ont-ils pas un devoir d’exemplarité, y compris dans leur vie privée ? Lorsqu’un agent de la fonction publique est condamné pour des faits de violences, peut-il continuer à représenter une institution censée garantir la sécurité et le bien-être de ses citoyens ? Le silence ou l’inaction de certaines municipalités face à de tels cas envoie un message désastreux, suggérant une forme d’impunité et banalisant ces violences.
Au-delà du simple cadre juridique, c’est aussi une question d’éthique et de valeurs. Une collectivité qui tolère en son sein des agents reconnus coupables de violences conjugales ou intra-familiales compromet sa crédibilité et son engagement envers les victimes. Elle risque d’instaurer un climat de défiance parmi les citoyens, qui attendent de leurs institutions locales un engagement sans faille contre ces actes répréhensibles.
Il devient donc impératif que toutes les municipalités adoptent une position claire et ferme sur cette question. Elles doivent non seulement agir en interne pour garantir l’exemplarité de leurs agents, mais aussi s’impliquer activement dans la lutte contre les violences faites aux femmes en soutenant les victimes, en renforçant les dispositifs d’accompagnement et en sensibilisant l’ensemble de la population. Seule une politique cohérente et sans complaisance pourra contribuer à un véritable changement de mentalités et à une société plus juste et sécurisée pour toutes et tous.
Quand la tolérance zéro inspire : l’exemple de Mans Métropole
Certaines municipalités montrent l’exemple en adoptant des mesures fermes face aux violences conjugales. C’est le cas de Mans Métropole, qui a révoqué un agent territorial condamné pour des violences conjugales. Cette décision courageuse renforce la confiance des administrés dans l’institution.
De telles initiatives s’inscrivent dans une dynamique nationale visant à lutter efficacement contre les violences faites aux femmes. Par exemple, le Grenelle des violences conjugales, lancé en 2019, a abouti à la création de centres de prise en charge des auteurs de violences conjugales (CPCA), inspirés du modèle du Home des Rosati à Arras. Ces centres ont pour objectif de responsabiliser les auteurs et de prévenir la récidive.
Cependant, toutes les municipalités ne suivent pas cet exemple. Certaines continuent d’employer des agents condamnés pour violences conjugales, ce qui peut éroder la confiance des citoyens envers leurs institutions locales. Il est donc essentiel que chaque collectivité adopte une politique de tolérance zéro face à ces actes, garantissant ainsi un environnement sûr et respectueux pour tous.
L’inaction qui interpelle : le cas de Mandelieu-La-Napoule
À l’opposé, certaines municipalités font preuve d’un laxisme inquiétant, maintenant en poste des agents pourtant condamnés pour des faits graves. Un cas représentatif est celui de Mandelieu-La-Napoule, où Cyril Morellec, 54 ans, agent des services des sports et en contact régulier avec des femmes et des enfants, a été condamné en juillet 2022 par le Tribunal Correctionnel de Grasse pour violences conjugales et violences sur mineur.
Malgré cette condamnation, il continue d’exercer ses fonctions, soulevant ainsi de sérieuses interrogations sur la responsabilité et l’engagement de la municipalité face à de telles problématiques. Peut-on raisonnablement confier ses enfants à une personne reconnue coupable de violences sur son propre enfant ?
Au-delà des considérations individuelles, cette situation ternit l’image du service public, censé incarner des valeurs d’exemplarité, de respect et de protection des citoyens.
En tolérant de tels manquements, la municipalité envoie un message ambigu et contribue, par son inaction, à banaliser des comportements qui devraient au contraire être fermement condamnés.

Selon un arrêt du Conseil d’État en date du 10 décembre 2020, l’employeur public a le devoir et le pouvoir de prendre des mesures suite à la condamnation pénale de l’un de ses agents, y compris, le cas échéant, le licencier et mettre fin à ses fonctions.
Un devoir légal et éthique : des outils à disposition des municipalités
Les municipalités disposent pourtant d’outils légaux pour agir face à ces situations.
Selon un arrêt du Conseil d’État du 10 décembre 2020, un employeur public peut engager une procédure disciplinaire, voire révoquer un agent condamné pénalement, si les faits sont :
- Incompatibles avec l’exercice de la fonction publique,
- Préjudiciables à la réputation de l’administration,
- Ou s’ils constituent une atteinte grave à l’intégrité, susceptible de ternir la confiance dans l’action publique.
Le comportement privé d’un agent peut influencer l’image et l’honneur de sa profession, le rendant ainsi incompatible avec l’exercice de la fonction publique. Les administrations ont le droit de prendre des mesures disciplinaires en cas de condamnation pénale pour des faits relevant de la vie privée.
Les agents publics ont donc la responsabilité de maintenir une image positive de leur employeur, à la fois dans l’exercice de leurs fonctions et dans leur vie privée.
Les conséquences du Laxisme des Municipalités Face aux Violences
Lorsque les municipalités choisissent de fermer les yeux sur des situations de violences intra-familiales impliquant leurs agents, les répercussions sont multiples et profondes, affectant aussi bien les victimes que l’ensemble de la société.
1. Un abandon ressenti par les victimes
Pour les victimes, le silence ou l’inaction des institutions locales est un signal accablant. Elles se retrouvent non seulement confrontées aux séquelles physiques et psychologiques de leurs agresseurs, mais également à l’indifférence des structures censées les protéger. Lorsqu’une municipalité maintient en poste un agent condamné pour violences, cela envoie un message délétère : celui que la justice ne suffit pas et que les institutions ne sont pas prêtes à prendre position en faveur des victimes. Ce sentiment d’abandon peut aggraver leur traumatisme, renforcer leur isolement et dissuader d’autres victimes de dénoncer leurs propres agresseurs.
2. Une normalisation inquiétante des violences dans la société
Au-delà des victimes directes, l’inaction des municipalités participe à la banalisation des violences au sein de la société. Lorsque des individus condamnés pour violences conjugales ou intra-familiales conservent leur emploi et leur statut sans la moindre conséquence professionnelle, un message dangereux est véhiculé : celui d’une tolérance implicite. Cela alimente un climat d’impunité où les violences sont minimisées, voire excusées, et où les agresseurs n’ont pas à craindre de véritables répercussions sur leur avenir. Cette complaisance institutionnelle affaiblit les efforts de lutte contre les violences et freine l’évolution des mentalités vers une société plus protectrice et égalitaire.
3. Une atteinte à l’image et à la crédibilité des municipalités
Laisser un fonctionnaire condamné pour violences continuer à exercer sans restriction nuit gravement à l’image des municipalités. Ces institutions locales, censées garantir la sécurité et la justice au sein de la communauté, perdent en crédibilité lorsqu’elles manquent de fermeté face à de tels agissements. Un tel laxisme peut être perçu comme un soutien implicite aux agresseurs, instaurant un climat de défiance parmi les administrés. Les citoyens peuvent alors remettre en question l’engagement de leurs élus en matière de protection des victimes et de lutte contre les violences intra-familiales.
En définitive, ne pas réagir face à ces situations n’est pas un simple oubli ou une négligence administrative : c’est un choix lourd de conséquences. Pour restaurer la confiance et montrer l’exemple, les municipalités doivent adopter une posture ferme, en appliquant des mesures claires et sans équivoque contre les agents condamnés pour violences. Seule une tolérance zéro réelle et assumée permettra de briser le cycle de l’impunité et de garantir une société où chacun, et en particulier les plus vulnérables, est véritablement protégé.
Une responsabilité collective : passer de la parole aux actes
Les violences faites aux femmes et aux enfants constituent un fléau sociétal qui ne peut être ignoré, et les municipalités ont un rôle clé à jouer dans cette lutte. En tant qu’institutions de proximité, elles doivent incarner des valeurs de protection, de justice et d’exemplarité, non seulement en appliquant la loi, mais aussi en adoptant des politiques internes irréprochables. La responsabilité qui leur incombe est à la fois éthique, sociale et légale, et implique un engagement sans faille envers une tolérance zéro face aux violences intra-familiales.
Les discours de soutien aux victimes ne suffisent plus : l’heure est à l’action. Pour être crédibles et efficaces, les municipalités doivent mettre en place des mesures concrètes et contraignantes afin de garantir un cadre sécurisant pour tous. Parmi ces actions essentielles, on retrouve :
L’exclusion des agents condamnés pour violences : Toute personne exerçant une fonction publique, en particulier si elle est en contact avec des femmes ou des enfants, doit être exemplaire. Une condamnation pour violences conjugales ou intra-familiales doit entraîner des sanctions immédiates et une incompatibilité avec toute fonction publique.
Le renforcement de la formation et de la sensibilisation : Tous les agents municipaux, notamment ceux en lien avec le public (éducation, sport, police municipale, services sociaux), doivent être formés à la prévention et au repérage des violences. Comprendre les mécanismes des violences permet une intervention plus rapide et plus efficace.
L’adoption de chartes d’éthique et de tolérance zéro : Certaines municipalités ont déjà instauré des codes de conduite stricts interdisant le maintien en poste de tout agent condamné pour violences conjugales ou familiales. Ces initiatives doivent être généralisées et appliquées sans exception.
Les agents territoriaux sont bien plus que de simples employés : ils incarnent l’État et servent d’intermédiaires entre l’administration et les citoyens. Ils ont donc une responsabilité particulière d’exemplarité, tant dans leur cadre professionnel que personnel. Les municipalités ne peuvent tolérer qu’un fonctionnaire condamné pour violences conserve un poste qui lui confère une autorité ou un pouvoir sur autrui, au risque de trahir la confiance des administrés.
Des chiffres alarmants : l’urgence d’agir
Les violences intra-familiales ont des conséquences dramatiques, en particulier pour les enfants. Chaque année en France, plus de 50 000 enfants et adolescents sont victimes de maltraitance. Pire encore, un enfant meurt tous les cinq jours sous les coups de sa propre famille. En 2019, une étude a révélé qu’une famille sur trois impliquée dans des cas de danger pour un mineur n’était pas identifiée par les services sociaux.
Ces chiffres terrifiants illustrent l’urgence pour les municipalités d’agir à leur niveau, en mettant en place des politiques de détection précoce, d’accompagnement des victimes et de sanction exemplaire des agresseurs.
En s’engageant fermement contre les violences intra-familiales, les municipalités peuvent renforcer la confiance des citoyens dans les institutions, protéger les plus vulnérables et contribuer à bâtir une société plus juste et plus sûre. Il est temps que chaque commune prenne ses responsabilités et fasse de la tolérance zéro une réalité incontournable.
Pour Approfondir :
Articles de presse et études :
- « Violences conjugales : Mans Métropole révoque un agent territorial après sa condamnation »
Cet article illustre un exemple concret de prise de décision exemplaire par une municipalité face à des violences conjugales.Ouest-France - « Enquête nationale sur la maltraitance des enfants en France »
Rapport publié par l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE), 2022. Il détaille les chiffres clés de la maltraitance en France, incluant les violences intrafamiliales. ONPE
Jurisprudence :
- Arrêt du Conseil d’État, 10 décembre 2020
Cet arrêt établit que l’administration publique peut licencier un agent pour des faits de la vie privée qui ternissent l’image du service public. Légifrance - Arrêt du Conseil d’État, 13 novembre 2023
Confirmant que des faits graves, même hors du cadre professionnel, peuvent justifier une sanction disciplinaire dans la fonction publique. Légifrance
Articles et rapports officiels :
- Charte de l’exemplarité des agents publics, Ministère de la Fonction Publique
Document détaillant les attentes en matière de comportement des agents publics, incluant le devoir de respecter les valeurs du service public. Fonction Publique - Rapport annuel de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP)
Mettant en lumière l’importance de l’éthique dans la fonction publique. HATVP.
Livres :
- « Les violences faites aux femmes : Une affaire d’État » par Françoise Héritier
Ce livre explore les implications sociétales et politiques des violences conjugales, avec une attention particulière au rôle des institutions. Disponible sur FNAC. - « Fonction publique : Devoir d’exemplarité et enjeux éthiques » par Alain Bouvier
Cet ouvrage aborde les obligations des agents publics et les implications de leur comportement sur l’image des institutions. Disponible sur Decitre.
- « Le devoir d’exemplarité dans la fonction publique », publié sur Village de la Justice.
Une analyse approfondie des conséquences légales et éthiques des comportements personnels des agents publics. Village Justice - « Violences intrafamiliales : le rôle des municipalités dans la prévention et la prise en charge », publié sur Les Échos. Cet article met en lumière les initiatives exemplaires de certaines communes pour lutter contre les violences faites aux femmes. Les Échos
- Charte d’éthique dans la fonction publique. Les engagements déontologiques des agents publics. Consulter la charte
Podcasts et vidéos :
- Podcast : « La tolérance zéro face aux violences conjugales dans les collectivités locales »
Diffusé par France Inter, ce podcast présente des témoignages et des exemples de bonnes pratiques municipales. France Inter. - Vidéo : « Violences conjugales et fonction publique : un devoir d’exemplarité ? »
Débat organisé par Mediapart, accessible en ligne. Mediapart.
Pingback: Les Violences Intra-Familiales - SVIF
Pingback: Quand l’exemplarité des fonctionnaires vacille : violences faites aux femmes et culture de l’impunité. - SVIF